Article publié le 27/01/2020

De retour d’un voyage à Djibouti, René Heuzey, Président Fondateur de l’Association Un Océan de Vie s’est confié à l’équipe d’Un Geste Pour La Mer.

Vous rapportez des photos impressionnantes d’une collecte de déchets effectuée dans la Baie de Tadjourah, pouvez-vous nous en dire plus ? 

Avec Un Océan de Vie, nous partons chaque année dans le Golfe de Tadjourah à Djibouti pour mener un programme d’identification des requins baleines. Nous avons pris l’habitude de clôturer cette expédition par une grande opération de nettoyage sur une plage de la Baie de Tadjourah. Cette année, les 15 bénévoles présents ont rempli 20 filets bleus de 40 litres mais ont dû se rendre à l’évidence : il aurait fallu des engins de chantier pour nettoyer intégralement cette zone d’accumulation. Les jeunes de l’équipe ont été très choqués par cette pollution, certain en ont pleuré. Depuis décembre 2016, la situation a empiré : les chèvres des environs en sont réduites à manger des bouts de cartons et de polystyrène !

Heuzey

Comment expliquez-vous la présence d’autant de déchets plastiques sur cette plage isolée ?

Ce sont les courants qui apportent chaque jour une quantité astronomique de déchets, en majorité des plastiques. Quand on navigue dans le Golfe, on voit finalement assez peu de macro-déchets flottants.

Les habitants de cette région vivent dans des cabanes, ils n’ont pas l’eau courante, les déchets ne sont pas leur priorité. Faute de moyens, les autorités ont du mal à intervenir.

Dolphin Excursion, le club de plongée local avec lequel nous travaillons sur ce site a bien pris conscience du problème. Ils ont adopté de bonnes pratiques : ils proposent par exemple à leurs adhérents les gourdes de Un Océan de Vie pour remplacer les bouteilles plastiques. Ils respectent par ailleurs la charte proposée par l’association Megaptera (respect des distances avec les animaux, pas de flash, respect de leur trajectoire, …).

Les requins baleines sont-ils impactés ? 

Dans cette zone, qui est du reste en théorie protégée par une réserve, on rencontre en général de nombreux juvéniles (mesurant tout de même 2 à 7 mètres) qui viennent se nourrir de la richesse planctonique de ces eaux. Cette année, est-ce la migration du plancton qui s’est décalée dans le temps ? Est-ce les perturbations entraînées par l’afflux de touristes sur cette baie ? Le fait est que nous avons croisé moins de requins baleines qu’habituellement.

On peut aussi se poser la question de la pêche illicite, les ailerons de requins baleines se vendent à prix d’or dans les pays asiatiques...

Au delà de la pollution plastique, la construction d’une infrastructure portuaire à proximité a  probablement perturbé le calme des eaux de la réserve, les coraux ont d’ailleurs beaucoup souffert sur cette zone.

Le bruit sous l’eau se propage très vite : des travaux d’envergure peuvent entraîner des perturbations sonores telles que les animaux marins s’éloignent dans un rayon d’une trentaine de kms. Ils sont particulièrement sensibles aux émissions sonores anthropiques.