Article publié le 31/01/2020

Né en 1948 à Mâcon, Pierre Passot s’est intéressé dès la petite enfance à l’environnement sous-marin. Il est devenu plongeur puis scaphandrier professionnel de 1971 à 2007, mais aussi photographe et cadreur sous-marin. Il a notamment participé à la création du festival d’images sous-marines d’Antibes. Scientifique et chercheur, il fût également chargé de Mission Mer auprès du gouvernement français (1981 à 1985) et Conseiller du Ministre de la Mer. Il a collaboré à de nombreuses expériences subaquatiques : Néreide, Bio-Sat, SarSat, Immersio avec la Marine Nationale, la Comex, ainsi que de multiples coopérations avec l’architecte et océanographe Jacques Rougerie, spécialiste de l’habitat sous-marin.

Actuellement, il est détenteur du record mondial d’immersion en scaphandre autonome (236 heures en bassin à Paris - Salon Nautic de Paris - avec combinaison humide néoprène-masque facial COMEX- eau à 7°), une performance établie en 1983. A la tête de la structure IMMERSIO créée en 1977 et ses  bassins mobiles de plongée, il a ainsi permis la découverte de la plongée à des dizaines de milliers de personnes, notamment à  des enfants dès l’âge de 8 ans. C’est d’ailleurs lui qui a  réalisé la première immersion de Nicolas HULOT à CALVI ! Un baptême suivi d’une exploration de l’épave « Le Bombardier », lors de l’émission « Les Fêlés » de Radio France.

Je m’intéresse à l’environnement de la source à la mer depuis le début des années 1970. J’ai descendu à la nage un grand nombre de torrents, rivières et fleuves d’Europe ; rallié la Corse au continent, toujours à la nage ; et traversé en bateau les océans, du Pacifique à l’Atlantique. J’ai aussi pratiqué la plongée sous-marine, tant dans le cadre du loisir que celui professionnel. Partout, dans les cours d’eau, les zones côtières et les océans, j’ai pu observer des taux de pollution très importants. Des actions en faveur de la protection des océans auraient pu être mises en place dès cette époque, mais ce long travail, qui doit être répété dans le temps pour être vraiment efficace, était le dernier souci des décideurs politiques et financiers.

La pollution n’est pas un phénomène nouveau. Depuis l’après-guerre, notre société vit dans la phase du « tout plastique », sans se préoccuper de l’avenir de ces matériaux qui se retrouvent aujourd’hui par milliers de tonnes au fond des rivières, des lacs et des mers du globe. Des bateaux-usines de plus en plus grands sont construits, permettant de pêcher de plus en plus profondément, sans se soucier des stocks halieutiques. Les océans ont été vidés sans se soucier du futur. Une grande partie du corail a été détruit par l’Homme pour le plaisir des yeux, pour remplir des aquariums. Mais sans les coraux, qui disparaissent aussi sous l’effet du réchauffement de la planète, il n’y a plus de nurseries pour les poissons. Pourtant, le réchauffement climatique, on en parle depuis les années 1950 ! Dès cette époque, malgré le peu d’études scientifiques sur le sujet, des chercheurs ont pris conscience qu’il fallait agir très rapidement et protéger les océans au lieu de les surexploiter.

Depuis la nuit des temps, les océans sont considérés comme une décharge à ciel ouvert. Aujourd’hui, on commence à prendre conscience que la mer n’est pas une poubelle. Au début des années 1980, j’ai eu la chance de travailler au sein de la délégation interministérielle de Bertrand Schwartz, sous l’autorité d’Huguette Bouchardeau, Ministre de l’Environnement, et de Louis Le Pensec, Ministre de la Mer. Je devais alors réfléchir sur les nouveaux métiers liés à la mer et à leurs formations. J’avais lancé quelques pistes sur l’aménagement des zones côtières et la mise en place de formations liées à la protection des zones humides et sèches du littoral.

Aujourd’hui, nous devons aller plus loin et mieux tirer parti des richesses des « zones bleues », dont 90 à 95 % sont encore inconnues par l’Homme. Nous connaissons l’espace grâce aux dizaines de personnes qui y sont allées et sont même sorties des engins spatiaux, mais très peu de scientifiques connaissent le monde sous-marin. À ce jour, seules 3 personnes ont plongé dans la fosse des Mariannes, la plus profonde de la planète (11 000 mètres). Nous pouvons imaginer de nouvelles techniques pour cultiver certaines surfaces marines, car nous sommes toujours plus nombreux sur Terre et nos terres cultivables disparaissent à cause du réchauffement climatique. Henri-Germain Delauze, un homme visionnaire, parlait au début des années 1980 des « Jardiniers de la Mer » ; Jacques Rougerie, lui, des « Merriens ».

Mais pour pouvoir travailler les océans comme nous pouvons travailler les terres et pour pouvoir former des jardiniers des océans, nous devons d’abord les nettoyer. Il nous faut récupérer tout le plastique que l’on voit flotter ou non, des rivières aux océans, pour éviter aux générations futures de se nourrir de poissons ou de crustacés farcis de métaux lourds. Il nous faut revenir à des matériaux naturels pour faire nos courses et gérer les stocks halieutiques de façon raisonnable et raisonnée pour nous nourrir. Si nous laissons les juvéniles se reproduire, comme cela fut fait pendant des milliers d’années, nous retrouverons peu à peu des océans propres, de qualité, et nous pourrons envisager des cultures d’algues et d’autres végétaux.

Nous habitons de plus en plus près des côtes, où les terres agricoles souffrent de la surexploitation à cause de la monoculture et de l’utilisation de produits chimiques, au lieu d’être laissées au repos. Les surfaces diminuent chaque année du fait du réchauffement de la planète et de la montée des eaux. Il nous faut impérativement arrêter d’acheter pour acheter ! C’est indispensable pour protéger notre planète et restaurer progressivement nos océans et nos terres cultivables.

Les océans sont le premier poumon de la planète. Durant des années, nous avons oublié les rôles de la planète Bleue, de l’eau douce et l’eau salée. La vie est impossible sans une eau de qualité, tout comme elle est impossible sans un air de qualité. Nous ne sommes que de passage sur notre Planète d’O, sur notre Planète Bleue, sur notre Planète Terre. Nous avons le devoir de la transmettre aux générations futures dans un état meilleur que celui où nous l’avons nous-mêmes trouvée.