Article publié le 02/12/2024

Dimanche 1er décembre a marqué la fin de ce qui devait être le dernier cycle des négociations onusiennes sur le traité mondial de lutte contre la pollution plastique, à Busan en Corée du Sud. “Cette conférence c’est l’humanité qui se mobilise face à une menace existentielle” a affirmé le président du comité de négociation Luis Vayas Valdivieso.  Cette réunion s’est soldée par un échec, en raison de nombreux points de blocage entre deux groupes de pays aux intérêts qui semblent irréconciliables. 

Il s’agissait de la cinquième session de négociations pour un traité international sur la pollution plastique en incluant la pollution marine. Depuis deux ans, 193 États sont mobilisés dans le but d'aboutir à un texte juridique contraignant comportant des mesures sur l’ensemble du cycle de vie des plastiques (production, consommation, fin de vie). Ce cycle de négociation en Corée du Sud a réuni 178 pays et plus de 2000 négociateurs et observateurs lors de 63 heures, un travail crucial afin de lutter contre cette pollution à grande échelle. 

La pollution plastique, un sujet à la fois complexe et urgent 

La production de plastique à doublé entre 2000 et 2019 selon l’OCDE et risque de doubler encore d’ici 2040 si rien n’est fait pour la freiner. Chaque minute, 18 tonnes de plastiques sont rejetées dans l’Océan, un véritable drame pour la survie des écosystèmes marins, pour sa fonction de régulateur du climat et pour 3 milliards de personnes pour lesquelles les ressources marines représentent la première source de protéine. À cela s’ajoute que le recyclage, longtemps considéré comme la solution miraculeuse face au problème du plastique, ne concerne que 10% du déchets plastiques, des solutions innovantes et un changement de paradigme s’imposent donc. 

Les négociateurs étaient divisés à Busan, dans une scission qui dépasse le traditionnel clivage entre pays du Nord et du Sud : d’un côté “la coalition de la haute ambition” avec 68 pays européens, africains et asiatiques, et de l’autre les grands producteurs pétroliers tels que la Russie ou l’Arabie Saoudite. 

Busan
Les représentants de pays en faveur d'un traité ambitieux à Busan, en Corée du Sud (de droite à gauche, Anthony Agotha, Juliet Kabera, Juan Carlos Monterrey, Olga Givernet, Camila Zepeda et Sivendra Michael). (Ahn Young-joon/Ap/SIPA)

Le premier camp souhaitait que le traité adopté couvre l’ensemble du cycle de la vie du plastique, et qu’il pose des obligations contraignantes de réduction des déchets et de transparence quant à sa composition chimique ainsi qu’une absolue nécessité de s’attaquer à la production de plastique vierge. Le deuxième camp souhaitait un traité concernant uniquement le traitement de la gestion des déchets, sa collecte et son recyclage et ne veut nullement entendre parler d’une limitation de la production. Des critiques ont également été émises sur le fonctionnement de ces négociations et le mode de vote qui devrait se faire, selon eux, au consensus et non à la majorité. La Chine et les États-Unis ne se sont pas positionnés clairement d’un côté ou de l’autre, bien que les États-Unis soit le premier pays consommateur de plastique au monde, avec 250 kg de plastique par an et par habitant, contre 150 en Europe. 

“Aujourd’hui le plastique on en mange, on en boit et on en respire” souligne le Directeur général de la Fondation de la Mer au micro de LN 24 (à partir de la minute 8).

LN24

Face à ces enjeux dramatiques et cette division entre les Etats négociateurs, la cinquième session de négociation n’a pas abouti à la conclusion d’un traité et “cette issue n’est pas une immense surprise” comme le commente Sabine Roux de Bézieux, présidente de la Fondation de la Mer dans Les Echos.

Un traité pour 2025 ?

Les négociations reprendront donc ultérieurement, à une date non encore définie au printemps 2025. Cette session de négociations a été marquée par les actions du groupe des pays pétroliers qui ont pratiqué massivement la tactique de l’écrasement, un abus du pouvoir de véto et de nombreuses interventions ne portant pas sur les sujets essentiels et pressants. La ministre de l’énergie Olga Givernet affirmait dans ce sens : “Nous sommes inquiets de l'obstruction continue de (certains) pays”. Le délégué des îles Fidji, Sivendra Michael a pour sa part haussé le ton : « si vous ne nous rejoignez pas pour obtenir un traité ambitieux (…), alors partez ! », a-t-il lancé à l’adresse de cette minorité.

Cette absence de compromis n’est qu’une mauvaise nouvelle partielle dans la mesure où il valait mieux prolonger les négociations afin de fixer un haut niveau d’ambition plutôt que d’arriver à un accord à minima, non contraignant et avec une absence d’objectifs chiffrés. La délégué du Ghana, Sam Adu-Kumi résume parfaitement cette situation : Il vaut mieux ne rien avoir ici que d'avoir un traité faible”.  

Il faut tout de même noter certaines pistes d’amélioration et d’avancement. Les négociations d’Ottawa avaient été marquées par des publicités organisées par les industriels en faveur du plastique et cela semble être moins le cas à Busan avec un fort espace publicitaire et médiatique occupé par les ONG et les organisations de société et leurs campagnes respectives.

Selon M. Lindebjerg, l'observateur de WWF, les deux premiers jours de pourparlers ont tout de même abouti à quelques points positifs, notamment en ce qui concerne les propositions pour limiter les produits chimiques "problématiques". Les délégués des pays ambitieux ont tenu à clore la conférence de Busan sur un ton positif, le négociateur norvégien Erland Draget soulignant que "pour la première fois, les contours d'un traité apparaissent" dans le dernier texte auquel sont parvenus les négociateurs et la cheffe de la délégation rwandaise Juliet Kabera a affirmé à son tour : "Nous avons réalisé des progrès indispensables sur une série de questions qui seront cruciales pour que le traité atteigne son objectif de protection de la santé humaine et de l'environnement contre les effets néfastes de la pollution plastique". Il faut également noter que la coalition pour la haute ambition s’est étendue puisqu’elle est passée de 67 à 97 membres, “à force de communication sur les ravages du plastique, la position ambitieuse est en train de rallier du monde », relève Sabine Roux de Bézieux.

Busan

Reste donc à savoir quel sera le cadre de cette prochaine session de négociation 5.2. Le texte diffusé par l’INC ce dimanche sera-il la base de ces nouvelles négociations où reprendront-elles sur un terrain neuf ? Ce qui est certain c’est que le pire, l’adoption d’un traité à minima, a été évité et que des pistes d’amélioration et de changement restent ouvertes dans le sillage précédent l’UNOC.

Encore faut-il continuer de porter des ambitions exigeantes pour l’adoption d’un traité international et placer la France en position de leader parmi les Etats de la Coalition pour la Haute ambition car les négociateurs américains, qui se sont plutôt montrés ambitieux durant Busan, le seront probablement moins dès le début de l’ère Trump. "Ce qui est certain, c'est qu'il ne faut rien lâcher et continuer à travailler dur pendant l'intersession" insiste la présidente de la Fondation de la Mer.