Article publié le 05/06/2024

La Mer est au cœur des enjeux du 21e siècle, elle représente plus de 70% de notre planète et cumule des enjeux environnementaux, économiques, géopolitiques et juridiques.
Les pays de l’Union européenne détiennent ensemble le premier espace maritime au monde, ce qui entraîne une responsabilité considérable. L’Union européenne possède des compétences étendues et exerce une influence significative sur divers domaines intrinsèquement liés à la préservation des espaces marins. 

Cinq thèmes maritimes au cŒur des enjeux européens

La Fondation de la Mer a comparé la visions des enjeux liés à la mer des 7 listes dépassant 5% d'intentions de vote dans les sondages pour les élections européennes. Elle s'est fondée pour cela sur l'analyse des programmes, selon 5 thèmes, et les réponses à son questionnaire auquel seuls Marie Toussaint, tête de liste de Europe Écologie Les Verts, et François-Xavier Bellamy, tête de liste des Républicains, ont répondu.

mercredi -Post de fond (11)


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Les terres et métaux rares sont devenus indispensables pour la transition écologique. Les grands fonds marins qui contiennent de vastes quantités de ressources minérales font l’objet de toutes les convoitises. 

Dans leurs Zones économiques exclusives (ZEE) respectives, les États sont libres d’organiser leur exploration ou leur exploitation. En revanche, dans la haute mer, dite la Zone, c’est à l’Autorité Internationale des fonds marins qu’il revient d’accorder les autorisations nécessaires. Le code minier actuellement en discussion à l'AIFM pourrait ouvrir la voie à une prochaine exploitation des grands fonds marins en haute mer.

Cependant, en l'état de l'art, les scientifiques alertent sur les conséquences irréversibles d'une exploitation des grands fonds marins pour les écosystèmes et la biodiversité marine. 

Les intérêts européens sur la question : L’exploitation minière des fonds marins suscite de vifs débats, notamment dans les zones hors des juridictions étatiques. Le Parlement, la Commission européenne ainsi que 7 États européens dont la France ont pris position en faveur d’un moratoire sur l’exploitation des fonds marins en haute mer. Alors que les scientifiques soulignent les conséquences irréversibles de cette exploitation pour la biodiversité, les débats sur la question méritent une attention toute particulière. L’UE joue un rôle pilote, notamment au sein de l’Autorité Internationale des fonds marins dont elle fait partie, afin d’orienter une majorité d’États à prendre conscience des risques de cette exploitation.

Dans son rapport de juin 2022, la Fondation de la Mer recommande de favoriser la recherche et de mettre en œuvre une politique de préservation des fonds marins, en privilégiant la collaboration internationale des scientifiques et le recyclage des terres et métaux rares. 

Dans le cadre de la campagne actuelle, plusieurs programmes mentionnent les enjeux liés à l’exploitation minière des fonds marins. Le parti Socialiste et la France Insoumise demandent la mise en place d’un moratoire international concernant l’exploitation minière des fonds marins. C’est-à-dire la possibilité de retarder le début de l’exploitation minière tant que les connaissances scientifiques sur le sujet ne seront pas plus développées. François-Xavier Bellamy des Républicains a également voté en faveur d'un moratoire.

Les partis Europe Écologie les verts ainsi que Renaissance s’opposent eux à l’exploitation minière des fonds marins. Cette position, qui est aujourd'hui défendue par la France, va plus loin que l’idée du moratoire car elle encourage l’interdiction définitive de l’exploitation minière.

Les autres programmes étudiés ne mentionnent pas l’exploitation minière des fonds marins. 

2La pollution par les plastiques dans l'Océan est un enjeu majeur pour la protection des écosystèmes marins. Une étude menée par le Programme des Nations Unies pour l’environnement, parue en 2021, estime que l’Océan contient entre 75 et 199 millions de tonnes de plastiques. Lors de la dernière session de négociations pour un Traité international à caractère contraignant contre la pollution plastique, à Ottawa, l’UE a appelé à un accord global visant à mettre fin aux déchets plastiques. Les débats concernant ce Traité vont se poursuivre jusqu’à la fin de l'année 2024.

L’UE s’est récemment penchée sur 3 mesures concernant l’interdiction des polluants éternels, la réduction des emballages et l’obligation pour tous les emballages d’être recyclables. 

Lors de la session de négociation du Traité international qui s'est déroulée à Paris, la Fondation de la Mer avait appelé à la conclusion d’un accord contraignant, juste et ambitieux

Sur les 7 listes que la Fondation de la Mer a comparées, 4 d’entre elles proposent des mesures contre la pollution plastique :

Le programme de la France insoumise propose de "Lancer un programme européen de dépollution des mers et océans (récupérations des déchets plastiques, équipements des littoraux en stations d’épuration, etc.)"
"Soutenir activement les négociations en cours d’un traité international de lutte contre les plastiques"

La liste du Parti Socialiste propose elle de mettre en place “un système efficace de surveillance sur l’ensemble du cycle de vie des produits en plastique". 

Le programme de la liste Renaissance base la majorité de ses mesures écologiques sur la fin des plastiques inutiles et nocifs, et la promotion du 100% renouvelable.

La liste Europe Écologie les verts demande la révision du règlement REACH (règlement de l'Union européenne pour mieux protéger la santé humaine et l'environnement contre les risques liés aux substances chimiques), mais aussi une sortie rapide de l’utilisation du plastique.

3Dans la résolution du 16 janvier 2023, le Parlement Européen affirme que, même s’il n’existe pas de définition précise, “les traits caractéristiques de la pêche artisanale sont notamment sa faible incidence sur l’environnement ; la saisonnalité des espèces, des zones de pêche et des engins utilisés ; l’ampleur limitée de ses activités de production ; son respect des cycles biologiques et migratoires des différentes espèces en raison de sa polyvalence et de son usage très sélectif des engins ; ses niveaux faibles de prises accessoires et de rejets ; et sa capacité à générer plus de bénéfices par euro investi, plus de prises par litre de carburant consommé et une plus grande valeur socio-économique par kilo de poissons débarqué."

Malgré l’intérêt incontestable de ce mode de pêche c’est "en dépit de sa taille et de son importance, le segment le moins soutenu et celui qui reçoit la plus petite part des fonds." (Source :  Résolution du 16 janvier 2023, Parlement Européen)

La politique de la pêche est une compétence exclusive déléguée à l’Union européenne. C’est un domaine dans lequel seul l’Union a la capacité d’adopter des législations et des actes  contraignants. L’UE dispose d’une compétence exclusive concernant la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche (Article 3 TFUE). Les députés européens ont donc un rôle fondamental à jouer concernant la gestion des pêches des États membres. “La gestion des pêches dans le cadre de la politique commune de la pêche (PCP) repose sur la nécessité d’assurer une exploitation durable, sur le plan environnemental, des ressources biologiques marines et la viabilité à long terme du secteur.” (Source : Fiche thématique sur l’Union Européenne concernant la gestion des pêches dans l’Union Européenne) 

La Fondation de la Mer soutient l’idée d’une transition de la PCP en faveur de la promotion du secteur de la pêche artisanale, plus respectueux de l’environnement marin. L’Union européenne doit soutenir l’exploitation durable des océans qui permettra la viabilité du secteur sur le long terme.

La vision des candidats concernant la PCP s’oppose. Une partie des candidats propose de promouvoir la pêche artisanale. Europe Écologie les verts propose ainsi une réorientation de la PCP afin de promouvoir la pêche durable, notamment via un fond spécial. 

Le programme du Parti Socialiste énonce l’orientation des subventions publiques, la suppression des méga-chalutiers dans les eaux côtières, en protégeant les emplois, les conditions de travail, de sécurité. Mais aussi la conclusion d’accords de pêches internationaux équilibrés, en luttant contre le pillage en eaux lointaines (notamment en Afrique).  

Le programme de la France insoumise défend des mesures similaires (subventions, réorientation des financements européens, interdire le chalutage …). Et présente également d’autres mesures intéressante, notamment : “Exécuter des plans de gestion des ressources halieutiques fondés sur des données scientifiques, avec pour objectif de les rétablir ; Réserver les 12 milles de la zone côtière de l’Union européenne aux navires de moins de 12 mètres afin de limiter l’impact de la pêche industrielle ;  Exiger le remplacement des accords de pêche passés entre l’Union européenne et les pays tiers par des accords de partenariat favorisant la pêche artisanale locale et impliquant réellement la société civile.” Ce programme prévoit aussi plusieurs mesures concernant la pisciculture relative au bien-être des espèces et à la pollution marine.

Les programmes des partis Renaissance et les Républicains affirment vouloir protéger "les pêcheurs" mais ne parlent pas spécifiquement de pêche durable.

Le Rassemblement National, les Républicains, ainsi que Reconquête défendent une "pause réglementaire" sur les mesures en rapport avec la pêche. Plus précisément, les Républicains proposent : "Un moratoire sur toute nouvelle norme pour la prochaine mandature, notamment pour le secteur agricole et le secteur de la pêche, afin de redonner de la visibilité sur le temps long à ces filières qui ont beaucoup souffert de l’instabilité réglementaire.”

Les programmes du Rassemblement National et de Reconquête affirment vouloir "nationaliser" ou "lutter contre la dépendance européenne" dans le secteur de la pêche. Il est à noter que la gestion des pêches étant une compétence exclusive de l’Union Européenne, la nationalisation de ce secteur ne semble pas être en accord avec le fonctionnement de l’UE et notamment l’article 3 du TFUE. 

4Les Aires Marines Protégées (AMP) sont des espaces “géographique clairement défini, reconnu, dédié et géré, par des moyens légaux ou d’autres moyens efficaces, afin d’assurer la conservation à long terme de la nature, des services systémiques et des valeurs culturelles qui y sont associées” (Source UICN). Les AMP représentaient 7% du domaine maritime des États membres en 2020, et l’objectif serait d’en compter 30% en 2030.

La Fondation de la Mer soutient la mise en place d’AMP rigoureuses et efficaces, partageant une même définition. 

Le programme de la France insoumise met en avant la protection des AMP comme une mesure clé du programme concernant la protection des océans. Le programme propose aussi d’"Exiger une réduction de la vitesse des navires et interdire le trafic maritime dans les aires maritimes protégées et leurs abords”.
Le programmes du Parti Socialiste mentionne les AMP et propose d’interdire les méthodes de pêches destructrices en leur sein.
Les programmes de Europe Écologie les verts et du Parti Socialiste abordent les AMP et proposent comme mesure d’interdire les méthodes de pêches destructrices en leur sein.  

Europe Écologie les verts demande que l’Union ait clarifié ses définitions et renforcé ses réglementations concernant les aires protégées avant le début de l’UNOC 2025. Les autres programmes n’abordent pas la notion d'Aire marine protégée.

Si Les Républicains ne mentionnent pas ce point dans leur programme, dans sa réponse à notre questionnaire, François-Xavier Bellamy souligne que "Il est essentiel de protéger les zones maritimes sensibles et celles présentant une importance stratégique, par exemple les frayères et zones de reproduction des espèces. Mais chaque zone maritime requiert des mesures de protection propres, qui soient adaptées aux besoins des écosystèmes en présence."

La Fondation de la Mer encourage les futurs députés à se pencher sur cette question essentielle concernant la gestion des ressources biologiques de la mer par l’Union européenne (Article 3 TFUE).

5Les espaces maritimes en dehors des juridictions étatiques représentent un bien commun qu’il faut protéger. L’UE joue un rôle important en sa qualité d’acteur parti à certaines conventions (UNCLOS) mais aussi pour l'influence qu'elle exerce auprès des États membres.

La Fondation de la Mer a salué la conclusion du traité historique sur la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale, en haute mer (BBNJ). Elle appelle à une gouvernance globale renforcée qui est une solution adaptée à la protection des océans. L’influence et la responsabilité de l’UE doivent être mises au profit des océans. 

Le parti socialiste évoque la nécessité de conclure "des accords de pêche internationaux équilibrés et respectueux des écosystèmes. En luttant contre le pillage des eaux lointaines, en particulier africaines”.

Les programmes de Europe Écologie les verts et de la France insoumise soutiennent la ratification du BBNJ par les États membres. Les autres partis ne se prononcent pas sur la question. 

Dans sa réponse à notre questionnaire, l'eurodéputé François-Xavier Bellamy des Républicains revient sur sa prise de parole du lundi 3 octobre 2022 : "L’Union européenne est la première zone économique exclusive du monde et elle doit, aujourd’hui, assumer cette responsabilité: elle est légitime pour agir."

C'est en 2023 qu'un groupe de législateurs du Parlement européen issus de plusieurs partis a lancé un appel, dans une lettre collective ouverte, à la mise en place d’un ambitieux "pacte bleu pour l’Europe" visant à protéger les ressources en eau du changement climatique et à promouvoir les énergies marines. La notion de "pacte bleu" diffère aujourd'hui  selon les candidats.

Pour le parti Socialiste, Renaissance et la France Insoumise, le pacte bleu comprend l'objectif de réduction de la pollution plastique, du moratoire des grands fonds, ainsi que la protection de la pêche (même si cette notion varie selon la politique sur la pêche établie au sein du programme). La liste d'Europe Écologie les verts affirme une vision plus large de la notion de pacte bleu, qui comprend la question de l’eau de manière globale.

Enfin les listes Reconquête et Rassemblement National affichent une opposition formelle à toute forme de pacte vert, affirmant : “contre le pacte vert, le retour de l’écologie raisonnable !”