Accueil> Toute l'actualité>Les larmes de sirènes : un enjeu écologique majeur Les larmes de sirènes : un enjeu écologique majeur Retour vers « les actualités » Article publié le 14/11/2024 Derrière le terme poétique de larmes de sirène se cache une réalité bien plus préoccupante : les granulés plastiques industriels (GPI), petites billes servant de matière première pour la fabrication de nombreux objets en plastique de notre quotidien. Leur taille minuscule facilite leur transport et leur moulage, mais en fait également un fléau environnemental lorsqu'ils s'échappent dans la nature. Une prise de conscience européenne pourrait marquer un tournant décisif dans la lutte contre ces microplastiques d’ici la fin de 2024. Crédit : SOS Laisse de Mer Un enjeu à chaque étape de la production D’origine pétrochimique, les granulés plastiques sont légers et petits (généralement moins de 5 mm), souvent sphériques ou cylindriques, et principalement transparents, noirs, ou parfois colorés. Les larmes de sirène représentent des déchets industriels échappés avant d’être transformés en objets plastique du quotidien. Des pertes peuvent être observées à toutes les étapes de la chaîne de production : Production, recyclage et logistique (stockage, nettoyage, chargement, déchargement) Transport (par camion, train ou navire, lors d’accidents ou de pertes de conteneurs) Transformation en objets Illustration : Déversements et pertes de GPI au cours de la chaîne de production « C’est un déchet aberrant : une matière première de valeur qui se retrouve perdue. Nous touchons ici à la problématique des pertes accidentelles, non intentionnelles, rarement envisagées par le public et qui surprend. » – Sophie Helene, artiste plasticienne et fondatrice de SOS Laisse de Mer, une association soutenue par la Fondation de la Mer dans le cadre du réseau Un Geste Pour La Mer. Des pertes évitables mais difficiles à réparer Une fois libérés dans l’environnement, les granulés plastiques (GPI) s’accumulent dans les mers, rivières, ainsi qu’autour des sites industriels et des ports. Même lorsqu’ils sont perdus sur la terre ferme, ils finissent souvent par rejoindre les cours d’eau via les égouts et les ruisseaux. En milieu naturel, ces granulés ont une forte capacité à capturer les polluants et contaminants présents dans l’environnement, tels que les perturbateurs endocriniens. Cette accumulation de substances toxiques leur donne des teintes allant de l’ambre couleur miel au marron foncé, alors qu’ils étaient initialement transparents. "C’est une pollution irréversible et insidieuse. Ces microbilles se confondent avec le sable, s’enfouissent ou retournent à la mer." – Marion Lescaut, artiste engagée et créatrice du Carnet de mimi. Pauline Trouillard, présidente de l’association Hirondelle, qui œuvre pour sensibiliser le public à la découverte du littoral du Pays de Retz, souligne la complexité du problème des "larmes de sirène". Elle décrit comment leur petite taille rend leur ramassage extrêmement difficile : presque invisibles à l’œil nu, « il faudrait presque une pince à épiler » pour les collecter, et idéalement « tamiser l’ensemble des plages » — une tâche impossible, sans parler des criques et zones rocailleuses inaccessibles. « Ce n’est pas simplement une pollution massive due à un accident isolé, mais plutôt le résultat de négligences répétées et permanentes de la part de l’industrie, ponctuées par des accidents massifs », insiste-t-elle. « Nous pallions à la négligence des industriels et des sociétés de transport. » Elle mentionne aussi l’épuisement des bénévoles, confrontés à une tâche sans fin : « Pour chaque pourcentage que nous ramassons, nous n’osons imaginer combien nous laissons derrière, qui ressurgira à la prochaine tempête. » Crédit : Association Hirondelle La Commission Européenne estime que jusqu’à 180 000 tonnes de GPI sont perdues chaque année en Europe, représentant une des principales sources de pollution microplastique involontaire. Cette réalité souligne l’urgence d’une régulation de cette chaîne d’approvisionnement. Crédit : SOS Laisse de Mer Vers une prochaine réglementation des GPI ? Alors que la production mondiale de plastique pourrait tripler d’ici 2060, selon un rapport de l’OCDE, il est essentiel d’encadrer strictement les pertes accidentelles et évitables de granulés plastiques. Le 23 avril 2024, les députés européens ont adopté un projet de règlement visant à prévenir ces pertes. Les nouvelles règles incluent notamment : Une responsabilité accrue des entités manipulant des granulés plastiques pour éviter les pertes et mettre en place des mesures immédiates et adaptées pour contenir et nettoyer les déversements, Une évaluation des risques pour chaque installation manipulant annuellement un certain tonnage de granulés, afin d’identifier et de prévenir les pertes, Une meilleure traçabilité des granulés grâce à un étiquetage clair des conteneurs de stockage et de transport, Une transparence des informations sur les pratiques de gestion des granulés. Le Conseil de l'Union Européenne est actuellement en négociation pour parvenir à un accord général d'ici la fin de l'année 2024, avec une adoption finale prévue début 2025. Les débats actuels portent notamment sur les propositions concernant le transport maritime des granulés. La position des députés européens est la suivante : pour être efficace, cette loi doit inclure tous les aspects du transport et de la manipulation des granulés plastiques, quel que soit le mode de transport (routier, ferroviaire, maritime). Une définition large des granulés plastiques doit également être adoptée pour englober les flocons, les poussières et les poudres, afin qu’aucune forme de microplastique ne passe entre les mailles du filet. Rappelons que l’Union Européenne vise une réduction de 30 % des microplastiques dans l’environnement d’ici 2030. L’art comme levier de sensibilisation Marion Lescaut et Sophie Helene ont décidé de donner une visibilité à ces déchets invisibles via leurs projets artistiques. Marion a pris conscience de l’ampleur du problème après la perte de six conteneurs au large du Portugal en décembre 2023, libérant 26 tonnes de granulés. Pour rappel, cet incident avait provoqué des “marées blanches” sur les plages de Galice, atteignant même les côtes françaises. Au printemps 2024, elle a entrepris un voyage jusqu’en Espagne pour documenter cette pollution. Son périple en camping-car a été ponctué de collectes de larmes de sirène, de rencontres avec des associations locales et de sensibilisation via ses réseaux sociaux. "100% des plages que j’ai visitées étaient contaminées par les granulés plastiques. J’ai littéralement ramassé des milliers de granulés à la petite cuillère, sur des kilomètres de plage, ce qui a été physiquement épuisant et qui donne une sensation d’impuissance totale." — Marion Lescaut Crédit : Yann Launay Depuis son retour, elle a entrepris de transformer ces granulés en œuvres d’art à la fois percutantes et belles. C’est son moyen de montrer au public l’omniprésence de ces granulés dans notre quotidien : “ils constituent les objets de notre quotidien, que nous consommons, et même que nous ingérons”. De son côté, Sophie Hélène sensibilise le public via l’association SOS Laisse de Mer. Dans ses ateliers “Larmes de sirène”, les participants observent les déchets de la laisse de mer, les collectent à l’aide de tamis, les trient, puis collent les granulés plastiques récupérés pour représenter des objets du quotidien. Ces ateliers, proposés notamment à des élèves, servent à créer des œuvres qui seront ensuite exposées et partagées pour diffuser un message de sensibilisation. Pour Sophie, ce travail permet de faire "un inventaire des objets absurdes que l’on trouve sur la plage et de donner de la visibilité à ce déchet qui, s’il n’avait pas été perdu en amont des sites de transformation du plastique, aurait pu devenir cette bouteille ou ce casier à homard." L’art est, pour elle, un vecteur de questionnement essentiel, qui permet de sensibiliser aux enjeux de la pollution plastique tout en valorisant le beau. Sophie considère également que ces ateliers offrent des "moments joyeux", permettant aux participants de produire des choses positives tout en prenant conscience de l’importance de protéger notre environnement. Crédit : SOS Laisse de Mer Pour en savoir plus, l'article de la Fondation de la Mer, détaille la récente catastrophe environnementale liée aux pertes de conteneurs en décembre 2023, ainsi que les principales conséquences environnementales et sanitaires des larmes de sirène. De plus, le programme Un Geste pour la Mer de la Fondation de la Mer permet également à chacun d’agir contre la pollution plastique en rejoignant une association ou en organisant une collecte. Partager cet article: Partager sur FacebookPartager sur TwitterEnvoyer à un amiCopy to clipboard Poursuivez votre lecture COP16 désertification en Arabie Saoudite “On pense que le désert c’est loin. C’est totalement faux” 17.12.2024 Lire la suite “Un océan de bien-être pour tous” 10.12.2024 Lire la suite Traité mondial sur le plastique à Busan : un nouveau flop ? 02.12.2024 Lire la suite Voir toutes les actualités