Article publié le 09/10/2019

Pour nous aider à rédiger cet article, nous avons interviewé un passionné de la laisse de mer : Lionel Lucas, fondateur de l’Association Ansel Bretagne. 

La laisse de mer, c’est quoi ?

La laisse de mer est le dépôt d’algues et d’autres éléments naturels flottants déposés à chaque marée. Elle est plus ou moins abondante en fonction des vents et coefficients de marée.

La composition de la laisse de mer varie d’une région à l’autre, mais en général, elle est composée d’algues (70% à 80%), de coquillages, de débris végétaux (bois, éponges, feuilles, graines, …) de restes d’animaux (petits crustacés, os de seiche, ,…) et de bactéries qui transforment la matière organique.

Par son rôle protecteur et nourricier, elle participe à la vie marine et terrestre. Une plage vivante est une plage avec sa laisse de mer, et débarrassée des déchets d’origine anthropique (restes d’équipements de pêches, mégots, emballages plastiques, coton tiges, …).

Elle offre “Le gîte et le couvert”

Habitat privilégié des puces de mers, mouches et autres détritivores, elle aussi à la base de la chaîne alimentaire de très nombreuses espèces marines et d’oiseaux. Une partie de la laisse de mer repart en mer à la marée suivante et alimente les filtreurs, mollusques, plancton et invertébrés.

La laisse de mer constitue un rempart naturel contre l’érosion, elle permet d’amortir le déferlement de la houle et le transport éolien du sable. Ce « tapis algal » sur la plage, c’est donc l’embryon de la dune. Les algues en mer se développent parfois sur des galets et coquillages, ces échouages d’algues engraissent la plage par l’apport de sédiments.

laisse de mer

La plage est un milieu hostile, soumis à de grandes variabilités telles que la salinité et l’hygrométrie. Disséminées sur le sable et au contact du vent, du sel et du soleil, les algues sèchent, se décomposent et s’envolent. Par les nombreux nutriments qui les composent dont des sels minéraux, elles enrichissent alors les plantes “pionnières”, ces végétaux présents sur le littoral, tels un engrais parfaitement naturel. Or, on sait que le cordon dunaire, les forêts littorales ou encore les mangroves sont essentiels pour lutter contre l’érosion et le phénomène de recul du trait de côte. Lionel Lucas aime faire l’analogie entre les feuilles qui tapissent la forêt et les algues qui tapissent la plage.

Les conséquences du nettoyage mécanique des plages

L’utilisation d’engins comme les cribleuses permet de nettoyer la plage pour les touristes, mais ils détruisent la laisse de mer et privent ainsi l’écosystème d’une ressource essentielle à sa survie. La laisse de mer apporte du sédiment, l’enlever entraîne donc une érosion précoce du littoral et la fuite du sable. Cet argument commence à convaincre les collectivités littorales. Certaines acceptent de faire respecter la charte proposée cet été par le Ministère de la Transition Écologique qui aborde ce point et incite les mairies à pratiquer un nettoyage raisonné des plages.

Proposer des activités pédagogiques autour de la laisse de mer

Si vous organisez une collecte de déchets sur une plage avec des enfants, vous pouvez leur proposer de s’interroger sur le contenu de la laisse de mer et son rôle écologique indispensable, ils pourront apprendre à distinguer les déchets des éléments naturels. Pour compléter l’approche, on peut les aider à identifier différentes espèces ou nommer les matériaux des déchets trouvés.

A travers les collectes de déchets, on peut aussi en profiter pour contribuer à des projets de sciences participatives. On peut citer le protocole “Laisse de Mer” et les inventaires (algues ou espèces) proposés en partenariat avec le Muséum National d’Histoire Naturelle.

C’est également l’occasion d’apprendre à reconnaître les algues, dont certaines sont bonnes à consommer et peuvent agrémenter vos recettes, à condition de les cueillir sans abîmer le milieu.

Pour ceux qui voudraient partager leurs trouvailles il existe une discrète communauté, celle des beachcombers (chercheurs de trésors sur les plages). Une application collaborative permet même de visualiser l’ampleur de la dissémination de certains déchets précis et bien identifiés. Tous les ramasseurs peuvent alimenter une cartographie, photos à l’appui. Lionel Lucas nous a avoué qu’il existe même un graal en la matière : de mystérieuses plaques de gomme naturelles provenant de Java il y a 90 ans et qui s’échouent de temps en temps sur les plages européennes !